Après une journée de bateau, nous devinons dans la lumière dorée de fin de journée les premiers temples se découpant sur les falaises. Assaillis dès la descente à terre par les chauffeurs de taxis et leurs rabatteurs qui nous proposent des prix mirobolants pour faire cinq minutes de route (bienvenue en zone touristique), nous négocions ferme et parvenons à notre hôtel. Celui-ci a ouvert quelques mois auparavant et l'équipe est aux petits soins, nous donnant un upgrade pour une meilleure chambre. 


Cela tombe bien, car Thibault est un peu fiévreux et nous passerons deux jours à se reposer à l'hôtel. Nous craignons une rechute de la malaria, mais le test fait dans un petit cabinet local est négatif. Nous prenons conseil auprès d'un médecin du livret ETI qui nous conseille d'observer la situation, ce que nous faisons. 


L'état de Thibault étant meilleur après deux jours, nous partons à la découverte de la plaine des temples. Ils sont si nombreux et repartis dans l'espace si irrégulièrement qu'ils nous semblent avoir été parsemés au hasard, comme des grains de riz jetés par une main de géant. Une visite au musée archéologique nous apprend qu'ils étaient en fait entourés à l'époque d'une multitude de constructions en bois qui n'ont, elles, pas survécu à l'épreuve du temps.


Nous sommes transportés par la magie du lieu, surtout lorsque le soleil descend et fait ressortir le rouge foncé des briques. On découvre avec émotion des fresques à moitié effacées au gré des couloirs sombres dont le plafond est parfois si haut qu'on ne devine la distance qu'aux cris des chauves-souris qui y logent. On se laisse porter par notre scooter électrique le long des chemins de terre, sans avoir de plan, et on s'arrête dès que l'allure d'une pagode nous plaît. 


Après ces visites, nous allons errer dans le marché du Vieux Bagan, où l'on trouve de tout, du thanaka - un bois qui donne une sorte de pâte cosmétique jaunâtre dont les femmes et les enfants se couvrent le visage pour se protéger du soleil mais aussi par esthétique - aux pièges à souris en passant par le lit sculpté en teck. On y dégotte l'un de ces plateaux ronds à séparer le riz en bambou tressé, que l'on imagine bien servir de déco sur l'un de nos futurs murs à Bienne... Plus tard, lorsque nous récupérons notre scooter, un jeune Birman se met à rire, incrédule : "Mais qu'est-ce que vous allez faire de ça dans votre pays ? Vous avez du riz en paquets, non ?". Il se moque gentiment de nos idées farfelues de design quand on lui explique de quoi il retourne. En attendant, c'est peut-être lui qui a raison de rire : on va maintenant devoir se trimballer ce panier de 50 cm de diamètre tout le reste du voyage...