Une bonne vieille journée de transport ! En bus sur la Transflores, l'unique axe permettant de relier les principales villes et surnommée "le serpent" ! Et elle serpente, elle serpente ! C'est un continuum de virages, que dis-je, c'est un intestin grêle... On ne peut pas vraiment dormir, trop secoués, et on ne peut certainement pas lire, de peur de devoir demander au chauffeur de s'arrêter sans visibilité dans un virage pour pouvoir vomir. On passe donc le temps en regardant les paysages qui, virage après virage, se révèlent sous nos fenêtres : nous observons tour à tour des forêts de montagne qui nous paraissent familières, mais qui se révèlent en fait pleines d'arbres exotiques, des volcans parfaitement coniques laissant échapper de petits volutes de fumée, et des plages de sables clairs donnant sur une mer scintillante...tout en mâchant avec application un chewing-gum immonde au goût de Malabar acheté lors de notre pause de midi à Ruteng (c'était à l'heure de la sortie des classes : nous étions carrément l'attraction pour les collégiens qui se donnaient des coups de coudes et nous montraient du doigt en rigolant). 


Nous sommes finalement déchargés avec nos bagages à un croisement de route qui, nous le découvrons après vérification sur Maps.Me, est quand même à plus de 2km de notre chambre d'hôtes. On se fait heureusement ramasser par le bemo d'un rasta indonésien (beau mélange, je vous l'accorde, mais plus fréquent qu'on pourrait le penser) qui nous propose de nous y amener au son assourdissant de reprises reggae de tubes radio mainstream. Soulagés d'être arrivés entiers et à bon port (il a quand même rempli son réservoir d'essence avec sa cigarette allumée au bec, et la porte du minibus est restée ouverte pendant le trajet, alors que le véhicule se balançait allègrement au gré des nids de poules dans la route)... On a à peine eu le temps de souffler avant de retenir un rire lorsque nous sommes accueillis par notre hôte Kristian : de longues mèches ondulées tombant de chaque côté du visage sous une sorte de bandana et arborant fièrement un maillot de foot, tel un rabbin féru de sport, la grandeur de sa dégaine n'a d'égal que sa bonhomie. 


La chambre est au mieux rustique, mais la famille est adorable et nous avons la bonne surprise de découvrir en ressortant manger le soir que c'est jour de fête à Bajawa : stands de nourriture, jeux et ballons pour les enfants, grande scène pour une sorte de talent show d'adolescents... On se croirait à la vogue du village. Tout le monde est là, emmitouflé dans des couches d'anoraks à cols de fausse fourrure, et nous regarde, seuls "bule" à la ronde et portant simplement un pull. Bien que nos perspectives sur la notion de froid diffèrent grandement (pour eux à 20° C, on se caille), on doit admettre qu'il fait frais, ce qui n'est finalement pas si étonnant sachant que nous sommes à 1500m d'altitude. Thibault se réchauffe avec un nasi goreng diaboliquement poivré tandis que je me contente d'un riz blanc pour soulager mon ventre, malgré les secouages de tête et regards tristes que le cuisinier et son acolyte m'adressent. On mange sur une bâche posée à même la terre en compagnie de quelques familles qui nous regardent en coin, avant d'aller encourager les ados sur scène avec force sifflements et applaudissements, pour le plus grand bonheur d'un groupe de jeunes filles, qui rigolent et tentent vainement de se mettre à la hauteur de Thibault en se haussant sur la pointe des pieds. 


D'ailleurs, on apprend que Thibault (ou Tibo ?) est un prénom répandu dans les ethnies de la région, ce qui rend beaucoup de nos échanges avec les gens d'ici très drôles. Nous partons ainsi à la découverte de ces villages traditionnels le lendemain en scooter et apprécions tant le calme de la route de forêt que les constructions aux toits de palme sous les auvents desquelles de vieilles femmes aux gencives rougies par la noix béthel nous regardent passer en répondant à nos "apa kabar?" par un "kabar baïk" mi-méfiant, mi-amusé. 


On continue notre exploration de la région par une jolie cascade et terminons la journée en beauté aux sources d'eau chaude de Menggeruda. C'est dimanche, et on se croirait à la piscine du Grand-Lancy un jour d'été : c'est bourré de familles prenant leur bain, organisant un barbecue sous les arbres, d'enfants qui s'envoient des rasades d'eau à la figure. Enfants qui, après une période d'observation, s'approchent de nous progressivement pour nous regarder et nous parler...et quand Thibault se met à les asperger aussi, toutes les barrières tombent et on s'amuse comme des fous avec eux. Après l'obligatoire séance de photos, on retourne à notre scooter et rentrons à Bajawa. 


Le lendemain, après des informations contradictoires par rapport aux éventuels passages de bus (on a tout eu, de 7h30 à 11h30 du matin) allant en direction du parc national du Kelimutu, notre prochaine étape, on finit par prendre un taxi partagé avec un monsieur qui se révèle être un cousin du chauffeur (bien entendu). Mais comme il parle bien anglais, cela nous permet d'en apprendre plus sur la région et les paysages que l'on traverse ! On vous raconte ça dans le prochain post.